Le travaillisme ne chôme pas !

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Texte sur le prochain décret annoncé de l’assurance chômage

« Nous ne sommes pas intéressés par les préoccupations politiques de ceux qui considèrent le chômage comme un danger pour l’ordre et la démocratie. Nous ne sommes pas non plus concernés par la nostalgie du manque de professionnalisme. Nous sommes encore moins enthousiasmés par les réformateurs du travail à la chaîne ou du travail intellectuel régi par la planification industrielle avancée. De même, nous ne sommes pas concernés par l’abolition du travail ou sa réduction à un minimum tolérable dans une vie ainsi imaginée pleine et heureuse. Derrière tout cela il y a toujours les griffes de ceux qui veulent organiser notre existence, penser pour nous ou nous suggérer poliment de penser comme eux. Nous sommes pour la destruction du travail. » A. Bonnano, Détruisons le travail, 1994

« Nous aussi, nous avons des griffes. », le C.A.T, 2024

Le travaillisme ne chôme pas.
Déjà l’année dernière, la durée maximale d’indemnisation s’était vue réduite, passant de 24 mois à 18 mois, et l’Etait avait annoncé que celle-ci était maintenant modulable en fonction de “l’état du marché du travail” selon le principe assurantiel et prédictif de « contra-cyclicité » : plus le taux de chômage est faible, plus la durée de l’indemnisation est réduite, plus le taux de chômage est fort, plus les conditions d’accès au chômage seraient assouplies et sa durée maximale allongée. En clair, plus la situation « s’améliore » pour l’Etat, c’est-à-dire moins il y a de chômeurs, plus il serre la vis pour contraindre encore plus au travail. Cet état étant véritablement mesuré par le nombre de chômeurs que France Travail décide de compter, il suffit à France Travail d’augmenter les radiations pour maintenir un taux de chômage faible, et donc des indemnisations plus courtes. Avec ce principe de « contra-cyclicité », c’est l’Etat qui a officialisé son pouvoir d’adapter l’assurance-chômage au gré des conditions du marché pour être toujours sûr de garantir le système le plus contraignant possible pour forcer les gens à bosser et ainsi resserer son emprise sur tout un chacun par le biais du travail !

Apparemment, ces dispositions n’étaient pas suffisantes pour nous mettre au pas et aller vers une mythique situation de « plein-emploi », et une nouvelle réforme est déjà engagée par le gouvernement Attal. Malgré la dissolution de l’Assemblée et les législatives qui s’annoncent, le gouvernement, bien décidé à profiter de la période creuse estivale, a annoncé la continuation du chemin du décret qui vise à engager une nouvelle modification de l’assurance chômage, qui entrerait en vigueur à partir du 1er décembre 2024. Suite à cette réforme, il faudra travailler plus longtemps (8 mois sur les 20 derniers au lieu de 6 mois sur les 24 derniers) pour débloquer des droits réduits (15 mois d’indemnisation maximum, au lieu de 18 actuellement). Ce nouveau projet vise particulièrement les jeunes et les emplois saisonniers. Les seniors ne sont pas oubliés : l’allongement de la durée de l’indemnisation à partir de 53 ans est supprimé, et le seuil à 55 ans est reporté à 57 ans, pour une durée plus courte. Couplé à la réforme des retraites, c’est le sas de précarité qu’est la période “ni en emploi, ni en retraite” qui s’allonge, et c’est encore du temps grappillé sur nos vies pour nous mettre au boulot !

Car que va-t-il se passer pour les personnes qui n’auront pas le droit au chômage ? Depuis avril 2023, certaines régions se sont proposées volontaires pour faire des “expériences” sur les bénéficiaires du RSA. Ces derniers sont soumis à une nouvelle obligation (qui est censé se généraliser en janvier 2024) : celle de devoir faire 15 à 20 heures d’activité par semaine, sous peine de voir leur allocation suspendue en cas de manquement. Le contenu de cette “activité” est bien flou, mais les témoignages des personnes ayant été aux prises avec cette expérimentation permettent de tirer quelques conclusions. Tout en permettant de mettre au service du capital une main d’œuvre soldée, c’est aussi un nouveau contrôle social qui s’opère sur les inactifs : tout le monde doit travailler, ou faire semblant.

Cette offensive travailliste s’appuie sur un appareil idéologique venu tout droit de ces enfers que sont les sciences de gestion : les compétences. Depuis la création de France Compétence en 2018, toutes les formations sont charcutées en blocs correspondant à une compétence. Chaque bloc peut s’obtenir par l’expérience, ou par la formation. Le temps de formation est réduit (donc cela coûte moins cher), et cela facilite la mise au travail. Tout de suite et très rapidement, tout le monde peut devenir compétent sans le savoir ou sans le vouloir.
Vous êtes compétents ? Gare à vous, il existe forcément une offre d’emploi qui vous correspond.

La machine à travailler se veut même inclusive. Si elles n’ont jamais été épargnées par le tri social et le contrôle, l’étau travailliste se resserre autour des compagnons handicapés qui n’ont jamais été épargnés par la mise au travail. France Travail a repris la main sur l’orientation des personnes handicapées vers le milieu dit “ordinaire” ou le milieu dit “protégé”. Soyons clair, aucune de ces deux issues n’est souhaitable : ni le travail dans des conditions inadaptées, ni le milieu soi-disant protégé des ESAT, qui fait des personnes handicapées des travailleurs soldés, dans des conditions de travail hors du droit commun. Ce qui change c’est, que les personnes handicapées seront davantage utilisées comme variable d’ajustement du marché du travail.

Tout doit changer, pour que rien ne change. Cette nouvelle réforme n’est qu’une énième manifestation du travaillisme de l’époque car peu importe les réformes, et peu importe les réformateurs, les objectifs sont les mêmes : nous presser tous comme des citrons, en commençant par les plus marginalisés. Nous ne voulons pas attendre que cette réforme passe pour qu’une autre lui emboîte le pas.

Avant, il s’agissait pour les précaires, et ce depuis bien longtemps déjà, de galérer à produire et donner des gages à Pôle Emploi sur la « recherche de travail » à coups d’envois bidons de CV et de recherches Internet, contre des miettes constituées de quelques centaines d’euros d’allocs, et ça nous faisait déjà bien suer. Aujourd’hui, avec France Travail, l’Etat veut, en plus de nous harceler, nous envoyer au turbin gratos pour les patrons ou nous faire mimer le travail afin de nous voler notre temps, qui pourrait être consacré à des choses bien plus intéressantes qu’un emploi (ou un simili-emploi) qui pue l’ennui  !

Alors, comme d’habitude, il y aura sûrement des moyens de moyenner, par des petites douilles que les gens se partageront, mais tout cela n’empêchera pas ni l’Etat ni les patrons de resserrer la vis du travaillisme sur nos existences !

Alors comment faire ? Pour combattre concrètement le travaillisme et ses saloperies, il nous faut nous retrouver et nous organiser collectivement pour refuser le travail ! Multiplions les initiatives !

Envie de chercher comment mettre des grains de sable dans cette machine qui se veut si bien huilée, et foutre en l’air cette vie de labeur ? Le C.A.T, Collectif Anti Travail, bien félin et férocement oisif, cherche à faire de sa sieste un moment d’organisation pour refuser le travail. Des permanences ont lieu un dimanche sur deux à 14h30, au 45 rue du Pré-Saint-Gervais, Paris 19e (métro Place des Fêtes). Ce sera l’occasion de réfléchir à des manières d’agiter ce champ de lutte, de chatbarder les officines du travaillisme, et de réagir collectivement aux situations précaires de chacun.

GARE A CEUX QUI TENTENT DE DOMESTIQUER LES CHATS NOIRS, IL PARAIT QUE CA PORTE MALHEUR ....


Le C.A.T

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