Photos sur rebellyon : petit rappel juridique

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2 compléments

Face à une police qui cherche de plus en plus à limiter la prise de photo lors des opérations policières et n’hésite pas à menacer les photographes, il peut-être judicieux de connaître un peu les textes de lois qui s’appliquent sur lesdites photos. Il est toujours nécessaire de connaître les armes de l’ennemi.

Voir aussi Poster des photos sur rebellyon.info

Petit rappel juridique [1]

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- Un flic en photo ?

Article 39 *****ies
Modifié par Loi n°2006-64 du 23 janvier 2006 - art. 30 JORF 24 janvier 2006

Le fait de révéler, par quelque moyen d’expression que ce soit, l’identité des fonctionnaires de la police nationale, de militaires ou de personnels civils du ministère de la défense ou d’agents des douanes appartenant à des services ou unités désignés par arrêté du ministre intéressé et dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l’anonymat, est puni d’une amende de 15 000 euros.

Notons que l’effet de cet article est limité par des arrêts de cour de cassation et de cour d’appel, à savoir :


- Événement dont l’importance justifie qu’il soit porté par l’image à la connaissance du public (Arrêt du 19 mai 2004, Cour d’Appel d’Aix en Provence)

- Événement d’actualité auquel le policier s’est trouvé mêlé objectivement et de façon impersonnelle par l’effet d’une coïncidence due à des circonstances tenant exclusivement à sa vie professionnelle (Arrêt du 26 juin 2000, Cour d’Appel de Paris)

- Écho à une opération de police en relation directe avec un événement d’actualité hautement médiatisé (Arrêt du 20 février 2001, Cour de cassation)

- Participation à la reconstitution de faits criminels (Arrêt du 10 mai 2005, Cour de cassation, Ch. Civ 1, RG n°02-14730)

Une mesure législative de 2008 tend toutefois à limiter la portée de ces arrêts, notamment en interdisant toute photo d’un certain nombre de corps de police spécifiques :

Arrêté du 27 juin 2008 relatif au respect de l’anonymat de certains fonctionnaires de police

Article 1

Les services dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité et en application de l’article 39 *****ies de la loi du 29 juillet 1881 susvisée, le respect de l’anonymat des fonctionnaires de la police nationale qui y appartiennent sont les suivants :

  • 1° L’unité de coordination de la lutte antiterroriste ;
  • 2° Au titre de la direction centrale de la police judiciaire :
    • la sous-direction antiterroriste ;
    • le service interministériel d’assistance technique ;
    • la brigade de recherche et d’intervention criminelle nationale et la brigade de recherches et d’investigations financières nationale ;
    • les brigades de recherche et d’intervention ;
  • 3° La direction centrale du renseignement intérieur ;
  • 4° Au titre de la direction centrale de la sécurité publique, les groupes d’intervention de la police nationale ;
  • 5° Au titre de la direction centrale de la police aux frontières, l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi des étrangers sans titre ;
  • 6° L’unité de recherche, d’assistance, d’intervention et de dissuasion (RAID) ;
  • 7° Au titre de la préfecture de police :
    • les services de la direction du renseignement chargés de la prévention de la violence, du terrorisme et des dérives sectaires ;
    • la section antiterroriste de la brigade criminelle de la direction de la police judiciaire ;
    • la brigade de recherche et d’intervention ;
  • 8° Le groupe de sécurité de la présidence de la République.

Il faut bien garder l’esprit que la police est loin de suivre ces lois à la lettre. Dans un contexte d’affrontement ou d’agressivité policière il n’est pas rare qu’il outrepassent leur droits pour s’attaquer, parfois physiquement, à des photographes (comme ce fut le cas le 16 décembre 08 pour deux journalistes de l’AFP place bellecour). C’est aussi le cas quand un policier venant de commettre une bavure ou tout acte compromettant, s’aperçoit que vous avez photographié/filmé la scène et que donc vous possédez des preuves à charge.

- Le droit à l’image ?

La loi n’étant certes pas la même pour tous, la plupart des individus ne bénéficient pas de protection juridique similaire à celle couvrant les forces répressives de l’état. En réalité la question du droit à l’image d’un individu lambda n’est pas couvert par des dispositions législatives particulières mais par l’ensemble des mesures relatives au respect de la vie privé (loi du 17 juillet 1970 et du 29 juillet 1994, sur la base de l’article 9 du code civil de 1803)

Article 9
Créé par Loi 1803-03-08 promulguée le 18 mars 1803

- Modifié par Loi 1927-08-10 art. 13
- Modifié par Loi n°70-643 du 17 juillet 1970 - art. 22 JORF 19 juillet 1970
- Modifié par Loi n°94-653 du 29 juillet 1994 - art. 1 JORF 30 juillet 1994

Chacun a droit au respect de sa vie privée.

Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.

L’ensemble des mesures législatives prises par la suite et les jurisprudences affinent bien sûr ce principe juridique de base :

1° Risque civil :

L’usage, sans son autorisation, de l’image d’une personne dans le cadre de sa vie
privée peut donc entraîner la mise en cause de la responsabilité de l’utilisateur.

Il faut pour cela que la preuve de l’existence d’un préjudice constitutif d’une atteinte à la
vie privée soit faite.

La condamnation peut recouvrir la forme de dommages et intérêts, de saisie des biens
incriminés, de publication judiciaire dans un organe de presse.

Si l’usage fait apparaître en plus une intention de nuire, l’affaire sera alors traitée au
pénal.

Concernant les images considérées en tant qu’oeuvres, l’usage non autorisé constitutif
du délit de contrefaçon peut entraîner la condamnation de la personne morale et/ou
physique au versement de dommages et intérêts
.

2° Risque pénal :

L’intention de nuire n’est pas obligatoirement nécessaire à la pénalisation d’une atteinte
à l’image d’une personne.

L’article 1382 du Code civil prévoit : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à
autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer »

Cet article peut être invoqué par toute victime d’un préjudice quelles que soient les
circonstances, toutefois, pour obtenir réparation, la victime doit apporter la preuve de
trois éléments :
- la faute ;
- le dommage ;
- le lien de causalité

La faute lourde est la faute commise avec intention de nuire.

L’usage de l’image d’une personne avec intention de nuire est donc passible de
plusieurs sanctions pénales :

- article 226-1 : un an d’emprisonnement et 45 000,00 euros d’amende pour atteinte
à la vie privée en fixant, enregistrant ou transmettant sans le consentement de
celle-ci l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ;
- article 226-2 : un an d’emprisonnement et 45 000,00 euros d’amende pour
conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou
utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu
dans les conditions prévues à l’article 226-1 du Code pénal ; si l’infraction est
commise par voie de presse et/ou audiovisuelle, la détermination du responsable
se fait en application de la loi de 1881 sur la presse ;
- article 226-8 : un an d’emprisonnement et 15 000,00 euros d’amende pour
publication, par quelque voie que ce soit, d’un montage réalisé avec les paroles ou
l’image d’une personne sans son consentement, s’il n’apparaît pas à l’évidence
qu’il s’agit d’un montage ou s’il n’en est pas expressément fait mention ; si
l’infraction est commise par voie de presse et/ou audiovisuelle, la détermination du
responsable se fait en application de la loi de 1881 sur la presse.

Pour les personnes présumées innocentes dont une image serait diffusée alors qu’elles
sont menottées, la peine encourue est de 15 000,00 € d’amende (art. 35 ter I de la loi
du 29 juillet 1881 dite loi sur la liberté de la presse).

Pour les victimes d’attentat dont il aurait été porté atteinte à la dignité, la peine encourue
est de 15 000,00 € d’amende (art. 35 quater de la loi du 29 juillet 1881 dite loi sur la
liberté de la presse).

Source : Dossier « droit de l’image, droit à l’image » du Centre national de documentation pédagogique

- Et Rebellyon.info dans tout ça ?

Ce petit rappel juridique pourrait calmer vos ardeurs photographiques, n’en faites rien ! Si les mesures législatives sont nombreuses pour limiter les possibilité de prendre en photos certaines scènes, il reste toujours possible de les détourner (par exemple avec les notions de photos participant à une démarche artistique). Le fait de prendre une photo d’arrestation ou de violence policière reste une nécessité, à titre informatif mais aussi comme élément à charge pouvant servir contre la police lors d’un procès.

Les articles étant modéré n’ayez crainte sur la « légalité » ou non d’une photo, l’équipe des modérateurs passent derrière vous et enlèvera celles qui pourrait mettre en danger l’auteur, le site, ou les personnes photographiés. Le fait de flouter les visages mettant hors de danger la dernière catégorie.

La photos, l’image, est un outil d’information au même titre que les articles mis en ligne sur rebellyon. Au delà des dispositions législatives, qu’il est toujours bon de connaître, c’est avant tout la volonté d’informer sur la réalité de ce système qui doit guider la prise ou non de photos et la mesure de leur diffusion. Certaines mesures de précaution de bases (floutage, effacement des métadonnées, ...) permettent de protéger l’auteur de la photo lors de sa diffusion. Reste à savoir se protéger lors de la prise de la photo, en n’étant pas à porté des flics, en ne restant pas isolé, etc.

L’information est une arme !

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  • Le 16 juin 2011 à 12:58, par m

    suite :
    l’article 39 *****ies quant à lui est directement lié au décret de 2008 cité après : il ne protègent que les flics en question.

  • Le 16 juin 2011 à 12:56, par m

    pour être exact, les jurisprudences évoquées (celles des cours de cassations, je n’ai pas retrouvées celles des cours d’appel) ne s’appliquent pas à l’article 39 *****ies, mais au code civil qui réglemente le droit à l’image : diffuser l’image de quelqu’un (sauf exceptions : image de foule, illustration à vocation d’information, exercice professionnel, etc.) peut être passible de poursuites au civil (c’est-à-dire de demande de dommages et intérêts) mais pas de condamnation possible au pénal (ni amende ni prison).

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